Assises de Perpignan : jugé 17 ans après pour le viol d'une jeune femme introuvable

Publié le par Mitch

Assises de Perpignan : jugé 17 ans après pour le viol d'une jeune femme introuvable

Condamné à 20 ans de réclusion par contumace, Jean-Moussa Kadri a été rattrapé par la justice en Thaïlande fin 2012 pour une histoire de passeport égaré.

C'est une affaire quasi inédite qui va être jugée à compter de ce jeudi matin devant la cour d'assises des P.-O. Celle d'un viol sous la menace d'un couteau dont l'accusé, Jean- Moussa Kadri, aujourd'hui âgé de 45 ans, devra répondre 16 ans après les faits. Alors, affirme-t-il, qu'il ignorait qu'il était poursuivi par la justice pendant tout ce temps.

C'est aussi l'histoire d'un procès hors norme sans victime sur le banc des parties civiles. Tout commence en juillet 1996. Jean-Moussa Kadri est alors restaurateur dans le quartier de la gare à Perpignan. Gérant du 'Braisier', 5 rue Courteline. "Troisième des six enfants d'un père Harki, ancien d'Indochine au parcours exemplaire, c'est un sportif de haut niveau. Il pratique des sports de combat. Il est marié, raconte son avocat Me Maurice Halimi. Mais son couple rencontre des difficultés. Comme les jeunes de cette époque, il sort en boîte au Barcarès".

Un soir, son frère lui aurait ainsi présenté une fille, accompagnée d'une amie qui se faisait appeler Samantha. Or, quelques jours plus tard, celle-ci, âgée de 19 ans, dépose plainte au commissariat de Perpignan expliquant avoir été violée par le restaurateur dans les toilettes de son établissement sous la menace d'un couteau. Sa copine dénonce aussi une fellation que lui aurait imposée le suspect au même endroit quelque temps plus tôt.

Jean-Moussa Kadri est aussitôt placé en garde à vue. Au départ il nie devant les enquêteurs puis finit par reconnaître qu'il a eu une relation sexuelle dans la cuisine de son restaurant avec Samantha mais qu'elle était consentante. L'homme est mis en examen sans être écroué. Il est placé sous contrôle judiciaire qui ne lui impose qu'une seule mesure : de ne pas entrer en contact avec les victimes.

L'enquête se poursuit et il bénéficie finalement d'un non-lieu partiel le 19 novembre 1997 concernant uniquement les faits d'abus sexuels sur l'amie de Samantha. "Il dit qu'il pensait que tout était fini, que son avocat à ce moment-là lui avait parlé de non-lieu", poursuit Me Halimi. Vers l'an 2000, Jean-Moussa Kadri quitte les P.-O. et même la France, part s'installer en Thaïlande sur l'île de Phuket où il monte un petit commerce de bijoux fantaisie, semble-t-il, et rencontre une femme qui lui donne trois enfants. Mais, l'horloge judiciaire ne s'est pas arrêtée. Le 15 mai 2000, la cour d'assises des P.-O. l'a jugé en son absence et condamné par contumace à 20 ans de réclusion criminelle. Et depuis lors, il est activement recherché. Treize années passent.

"En octobre 2013, il se rend à l'ambassade de France à Phuket pour dire qu'il a égaré son passeport et qu'on veuille bien le lui refaire. On lui fait payer les droits de chancellerie et on lui demande de revenir. Et là, on lui annonce qu'il y a un mandat d'arrêt contre lui. Soit on le remet à la police thaïlandaise en vue d'une extradition. Soit il accepte de rentrer en France se livrer. Il a donc acheté un billet d'avion".

"Je plaide l'acquittement"

Le 31 décembre 2012, Jean-Moussa Kadri débarque en France via une ligne régulière et est aussitôt interpellé par la police aux frontières de l'aéroport Charles-de-Gaulle qui le présente à un juge d'instruction et le transfère à Perpignan. "Là, il apprend qu'il a été condamné et qu'il sera rejugé dans un délai maximum d'un an. Depuis il est en prison (trois demandes de remise en liberté ont été rejetées NDLR) alors qu'au départ on l'avait laissé libre, que sa famille lui a délivré des certificats de résidence et qu'il est de bonne foi car il s'est présenté spontanément. Oui, je vais plaider l'acquittement car il est innocent".

Un procès sans victime ?

Le procès prévu sur deux jours à compter de jeudi matin devrait se tenir en l'absence de victime. La jeune femme ne s'était pas présentée au premier procès, tout comme son amie qui faisait office de témoin principal.

Et, selon nos informations, la victime est aujourd'hui injoignable, ne répondant pas aux courriers adressés par la justice. Comme évaporée. Personne, aucun avocat, ne se serait d'ailleurs manifesté du côté de la partie civile.

Quant aux différents témoins ou experts qui sont intervenus dans le dossier voilà 17 ans, que sont-ils devenus ? Quoi qu'il en soit, le ministère public portera les poursuites et l'audience devrait s'appuyer sur les différentes pièces de procédure.

A commencer par la déposition même de Samantha. A l'époque, elle avait expliqué qu'après une soirée en boîte au Barcarès avec une amie, Jean-Moussa Kadri les avait invitées au petit matin à prendre le petit-déjeuner à Perpignan. Le trio était allé prendre un dernier verre dans le quartier de la gare.

Puis, son amie était rentrée non loin de là à l'hôtel où elle était hébergée par l'association le Tremplin, tandis que l'accusé lui aurait proposé de visiter son restaurant. Là, elle aurait repoussé ses avances. Il se serait saisi d'un couteau avec lequel il l'aurait menacée avant de la violer.

Jean- Moussa Kadri dément depuis le départ cette version et explique qu'après un rapport consenti, il l'a ramenée chez sa mère au Barcarès où elle vivait à cette époque.

Publié dans justice, Perpignan

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