Leonarda à Mitrovica : BFM et i>télé cèdent dangereusement à la dictature de l'émotion

Publié le par Mitch

Leonarda à Mitrovica : BFM et i>télé cèdent dangereusement à la dictature de l'émotion
La journée de samedi a été riche en rebondissements dans l'affaire Leonarda. Le président Hollande lui a proposé de revenir en France mais seule, sans ses parents. Ce à quoi elle a répondu, grâce aux caméras des chaînes de télé en continu, dans un laps de temps minime. Ne laissant que trop peu de place au recul et à l'analyse. Inacceptable pour Thierry de Cabarrus.

La télévision en continu peut avoir des effets pervers si elle ne privilégie que l'émotion, sans jamais prendre de recul ni fournir d'explications lors d'événements critiques.

Ainsi, l’affaire Leonarda, du nom de cette jeune collégienne kosovare expulsée en fin de semaine, a-t-elle soudain tourné à la pantalonnade.

Souhaitant utiliser à fond les avantages du direct, les chaînes d’infos BFMTV et i>télé nous ont proposé les réactions à chaud de Leonarda Dibrani, de son père et de sa mère devant le domicile qui leur a été accordé par les autorités du Kosovo.

Or, par la "magie" des micros et des caméras déversant ad libitum du son et des images, ces reportages diffusés sur le vif, sans la plus petite remise en perspective, ont très vite tourné au désavantage de la collégienne, transformant les membres de cette famille en animaux de cirque.

Micros ouverts comme des robinets

Donc, le président François Hollande venait de trancher à sa manière, coupant la poire en deux, prenant une décision mi-chèvre mi-chou qui n'a satisfait ni son opposition, ni même son propre camp.

Mais au moins, pouvait-on espérer, que Leonarda allait être heureuse, puisque, par la grande mansuétude du président de la République, elle allait pouvoir rentrer en France et reprendre ses études commencées voici quatre ans.

Tout irait donc pour le mieux dans le meilleur des mondes, l’affaire Leonarda serait dégonflée, les lycéens retourneraient à l’école, la gauche célébrerait "l’humanité habile" de son chef et la droite n’y verrait rien à redire puisque la fermeté en matière d’immigration était globalement confirmée.

Sauf que cela ne s’est pas du tout passé comme ça. Et que les caméras et les micros de BFMTV et d’i>télé se sont ouverts aussitôt à fond comme des robinets à l’autre bout de l’Europe et qu’on a vu et entendu cette famille Dibrani multiplier soudain, et contre toute attente, les critiques, les insultes et les menaces devant la décision présidentielle qu’elle jugeait scandaleuse.

D’un coup, on a vu et entendu le père hurler sa colère et maniant tour à tour, dans une langue difficile à comprendre, le dépit et l’ironie mordante pour dénoncer la solution proposée pour sa fille.

"Le président n’a pas de cœur"

On a compris que Dibrani non seulement n’acceptait pas ce compromis mais qu’il menaçait carrément de revenir en France de manière illégale, et dès ce lundi, avec toute sa famille, puisque même si François Hollande se proposait "d’être son papa", Leonarda avait besoin de son vrai père. La mère s’y est mise à son tour, vociférant elle aussi, exigeant le retour en France pour toute sa famille.

Mais la suprême humiliation, non seulement pour le chef de l’État mais aussi pour tout le pays, c’est la collégienne elle-même qui l’a donnée en rejetant avec arrogance la proposition de revenir, seule, faire ses études à Paris et en insistant sur le manque d’humanité de François Hollande :

"Le président n'a pas de cœur. Je veux être avec ma famille, je suis bien avec eux", a-t-elle déclaré avant, elle aussi, de se mettre en colère et de dire qu’elle allait revenir avec les siens soit de manière clandestine, soit par la force, sous la pression des manifestations de lycéens : "Je ne suis pas une chienne, je vais revenir sinon la France, ça sera la cata et je ferai la loi !"

À cet instant, le téléspectateur de BFMTV ou d’i>télé, indigné devant tant d’ingratitude et de violence verbale, a découvert que Leonarda et sa famille ne correspondaient pas à l’image de victime que les médias avaient donné d’elles.

L'explosive réalité

Ces gros plans montrant des visages déformés de haine... Ces cris, ces insultes balancées dans leur salon sans le moindre commentaire, sans la plus petite intervention journalistique, sans retour dans les studios de télé, ont levé le voile sur une réalité que beaucoup ne soupçonnaient pas.

À cet instant où BFMTV et i>télé nous donnaient à voir et à entendre la famille Dibrani, avec toute la puissance du direct, la télévision qui, cinq minutes plus tôt, avait retransmis l’intervention présidentielle en bon petit soldat digne de l’ORTF, est devenue un monstre échappant à tout contrôle.

D’un seul coup, tous les acteurs de l’affaire Leonarda ont été emportés dans ce maëlstrom d’images et de sons et il ne restait plus rien de cohérent de ce débat franco-français que nous aimons tant et qui fait notre spécificité.

Tout le monde a perdu…

Tout a soudain volé en éclats et tout le monde a perdu. D’abord, Leonarda elle-même qui, à l’évidence et malgré toutes les bonnes volontés, ne pourra sans doute jamais plus revenir en France, après ses déclarations pleines d’ingratitude. Ensuite, sa famille qui menace ouvertement de braver les lois de notre pays et de revenir clandestinement alors qu’elle est indésirable.

François Hollande ne sort pas non plus indemne de cette séquence a été mis en déroute par une gamine, un peu trop bavarde à la télévision.

On n’insistera pas non plus sur la défaite du gouvernement, pris une fois de plus en flagrant délit de couac (Peillon et Duflot contre Valls) et remis à sa place par la collégienne et ses parents.

Et que dire de l’opposition et de la gauche qui se sont étripés sur des principes, en oubliant que cette famille de clandestins était faite de chair et d’os, et qu’elle avait, elle aussi, le droit de donner son avis, et que la télévision lui en donnerait l’occasion sans aucune précaution ?

Car la télévision, j’en suis persuadé, vient de perdre elle aussi avec l’affaire Leonarda. BFMTV et i>télé ont diffusé leurs reportages en direct du Kosovo sans prendre la peine de nous informer sur le fond.

Pourtant, depuis quelques heures déjà, le ministère de l’Intérieur avait mis en ligne le rapport administratif sur les circonstance de l’interpellation de la collégienne et de l’expulsion de sa famille, mais les journalistes n’en ont pas parlé.

… sauf le Front national

Ils auraient pu, certes, nous expliquer que la police avait commis "une erreur de discernement" en allant chercher Leonarda pendant sa sortie scolaire. Mais ils auraient pu aussi préciser les raisons officielles de l’expulsion de la famille Dibrani, à savoir une absence de volonté de s’intégrer, des problèmes de voisinage, de délinquance et d’incivilité, la déscolarisation des enfants, un père jugé violent avec sa famille, refusant d’apprendre notre langue et de travailler.

Des journalistes expérimentés auraient profité de ce reportage pour interroger la famille sur ces mises en cause et tenter de démêler avec elle le vrai du faux. Au lieu de cela, les envoyés spéciaux se sont contentés de tendre leur micro.

Dès lors, tout le monde ou presque y a perdu avec ces reportages. Tout le monde sauf, sans doute, le Front national. Car devant une telle pantalonnade télévisée, devant cette famille de clandestins odieux et revendicatifs à l’excès, c’est l’image des victimes de la politique d’immigration menée par la France qui en aura pris un coup. Une vraie catastrophe pour tous ceux qui s’engagent aux côtés des clandestins.

Henri Rouillier

Publié dans Politiques, monde, justice

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